Devenir Femme

J’ai toujours rêvé d’être une femme, à la croisée de toutes celles qui m’avaient inspirée. Importantes, créatives, affirmées, indépendantes, sensibles, engagées... Quel était ce « devenir femme » qui m’obsédait ? Était-ce la recherche d’une véritable personnalité, ou bien la quête d’une gloire et d’une admiration comme preuve d’accomplissement ? J’avais beau lutter contre ce besoin d’excellence et de reconnaissance, je ne parvenais pas à me défaire de cette envie de parvenir, un jour, à marquer le monde. La photographie, l’écriture et la danse étaient devenues les domaines par lesquels je désirais mettre en scène mes questionnements, donner un souffle et une expressivité à toutes ces choses qui se mélangeaient en moi. Donner à voir, à lire et à contempler le brouillon de mes pensées ; comme un souffle, par lequel d’autres pourraient également respirer. J’étais tiraillée entre l’espoir que je plaçais dans l’art et l’humanité, et la réalité qui me rattrapait, me rappelant tout ce que le monde avait déjà eu, et perdu. Je voyais la nouvelle génération des Simone de Beauvoir ouvrir enfin leur gueule et marcher dans les rues pour nos droits ; mais qui étais-je, jeune fille blanche, plutôt hétéro et aisée, pour crier les inégalités au milieu de celles que l’on n’avait jamais voulu écouter ? Je me réveillais certains matins, avec une assurance débordante envers ce que je projetais de réaliser, rattrapée les jours suivants, par la crainte de n’avoir finalement rien d’intéressant à donner. Entre la sensibilité des mots et des images de Sophie Calle et l’engagement militant de Virginie Despentes, où était ma place ? Où se situait cette anomalie que Maguy Marin m’avait aidé à entrevoir, et ce corps malhabile dans lequel je tentais de me retrouver ? Au milieu de ces écrivaines, artistes et chorégraphes chez qui je piochais quelques morceaux de mon évolution, je me retrouvais prise entre l’ambition de mes 22 ans, et la crainte de n’aboutir finalement qu’à une forme de déception.